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Manuel (illégitime) de réparation érotique

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“l’histoire c’est des relations et les relations c’est la matière du monde” Léa Rivière
Ce texte est né d’une intuition : et si le sexe pouvait être l’une des clés possible pour désapprendre le monde tel qu’on nous l’impose ? Non pas un échappatoire, mais un outil de reconfiguration du réel.
J’ai découvert cette année le concept de réalisme capitaliste, tel que formulé par Mark Fisher. Cette idée, selon laquelle il serait plus facile d’imaginer la fin du monde que celle du capitalisme, résonne profondément avec ce que je ressens : une sorte de verrou idéologique où l’alternative est devenue (presque) impensable. Et pourtant, ce même verrou peut parfois se fissurer, non par le savoir rationnel mais par le délire. Et l’art me semble être un délicieux accès au délire. L’art à un sens très large. Une fréquence de vibration, une image, un fragment de texte, un geste suspendu peuvent ouvrir la perception vers une autre réalité.
J’ai croisé au même moment, durant mon Erasmus du premier quadrimestre, le chemin de Karen Barad lors d’un cours de Cy Lecerf Maulpoix aux Beaux-Arts de Marseille. J’étais au même moment en train de replonger dans la physique quantique et l'épistémologie alors j’ai en ni une ni deux emprunté son Frankenstein, la grenouille et l’électron à la bibliothèque.
Pour moi, l’accès le plus direct au sublime passe par la théorie. Ce moment où une lecture me fait basculer dans un vertige : soudain, je perçois la grille de lecture que je plaquais sur le monde sans même m’en rendre compte. Je vois les lunettes à travers lesquelles je regardais, comme si elles étaient naturelles. Et je comprends alors que d’autres réalités existent, invisibles jusque-là, mais qu’un simple livre peut suffire à faire frôler. Ma question quand je traverse ce genre d’expérience, c’est :

quel paradigme nourrir pour que le monde aille mieux ? Que partager avec mon art, à quel endroit peut-il être un outil, même une poussière vers un mieux ?

Ma recherche se tisse autour d’un projet de nouvelle au nom provisoire de Biotechnotopia, et tente de tracer une ligne entre plusieurs dimensions réflexives que j’ai traversé depuis le début de son écriture: le soin par le sexe, le désir fasciste, l’écosexualité, et la transformation poétique du langage (par les travaux de Mardi Forestier et Léa Rivière).

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TRAUMATISMES ET SEXE



corps blessés, corps désirants : réparer par le sexe

J’ai découvert cette année par une rencontre, le lien d’amour et de confiance capable d’apaiser les fantômes : ces traces de violence nichées dans certaines régions du corps . J’ai été fasciné par la manière dont le soin peut s’incarner dans l’expérience sexuelle : ainsi, mon amoureuxse et moi qui n’avions plus de sensibilité sur certaines zones ont pu les retrouver avec beaucoup de patience et de soin. Qu’est‑ce qu’un sexe guérisseur ?
Le désir érotique peut devenir un outil de réinscription corporelle. Ce processus s’articule autour de trois axes :
Réappropriation des zones traumatisées : il s’agit de fabriquer de la confiance en transformant les zones de douleur (agressions sexuelles, viols, autre) en territoires de plaisir négocié
Rituels de consentement radical : Des pratiques queer et BDSM utilisent les safewords pour ritualiser le contrôle, permettant aux corps de sortir de l’état de sidération.
Sexualités interespèces et écosexuelles : En s’inspirant des sexualités végétales, certains courants écosexuels proposent une dégenitalisation du désir

“ il faut être changé-e pour changer les choses” dit Léa Rivière

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LE LIVRE COMME ACTE INCARNE



biotechnotopia
Biotechnotopia s’inscrit dans une réflexion sur l’écologie et les luttes sociales à travers un processus fictionnel spéculatif. Ce récit fait l’exercice de pensée de séparer l’écologie et les luttes sociales dans deux canaux distincts afin d’explorer une société où l’écologie triomphe, mais où les oppressions identitaires et matérielles subsistent. Il s’agit alors de définir quelle dystopie pourrait découler d’une telle situation.
La narration alterne entre deux temporalités. La première se concentre sur un petit groupe de biophysiciennxs qui écrivent des poèmes dans les noyaux des atomes pour engendrer une empathie généralisée entre les êtres végétaux et le reste du vivant. S’ensuit la deuxième temporalité où on découvre le monde dystopique qui en a découlé et on accompagne unx autre scientifique qui construit une machine permettant de connecter ses organes sexuels avec n’importe quel être végétal et permettre une communication plus profonde avec lui.
Inspirée par des œuvres comme le manifeste écosexuel d’Annie Sprinkle et Beth Stephens, ainsi que par les pensées de Donna Haraway sur le post-anthropocène, ou encore par toute la mouvance xénoféministe, le texte spécule sur des solutions biotechnologiques pour révolutionner les paradigmes réducteurs qui distancient les humainx du reste du vivant. Il s’agit de réinvestir des technologies comme outils de libération. Les innovations décrites dans le récit se veulent être des instruments d'émancipation collective, permettant de réinventer notre rapport au plaisir et à l'altérité. Le manifeste xénoféministe souligne que “l'innovation technoscientifique doit s’assortir d’une pensée politique et théorique collective”. Il s’agit de responsabiliser les scientifiques sur leurs politiques de création, s’assurer qu’iels agissent pour le bien commun.
Une autre des influences est la découverte de la philosophie du réalisme agentiel, telle que développée par Karen Barad. Le réalisme agentiel permet de reconsidérer ontologiquement le monde. On ne regarde plus la réalité par la primauté d’objets séparés les uns des autres mais plutôt par les phénomènes, par les relations des éléments qui intra-agissent dans le monde. Ces éléments ne sont donc plus des objets mais des choses dans le phénomène. Iel invite à repenser nos relations avec les autres formes de vie, non pas comme des interactions hiérarchisées, mais comme des co-créations dynamiques et queer, où chaque agent influence et transforme les autres. En ce sens, l’approche de Barad, fondée sur les notions d’intra-action et de phénoménalité relationnelle, pousse à dépasser les binarités traditionnelles. Les phénomènes sont “un processus dynamique d’intra-activité qui reconfigure sans cesse les structures causales et leurs instanciations locales, c’est-à-dire leurs contours, leurs propriétés, leur sens ou leur signification, y compris les traces et les motifs réguliers qu’elles laissent sur les corps”. Pour arrêter de distinguer binairement l’humainx de la nature, quoi de mieux que d’en flouer les bordures ontologiques par le sexe comme une métaphore intuitive de cette intra-action. Ainsi, Biotechnotopia fait le pari que l’intra-activité du phénomène sexuel entre composantxs humainxs, machines et plantes constitue un phénomène révolutionnaire.
J’ai adoré réfléchir aux relations sexuelles par le prisme du réalisme agentiel car il me semblait que ça pouvait grossièrement rejoindre une lecture de Marianne Chargois à laquelle j’ai pu assister dans le cadre du Bruxelles Porn Festival sur le fait de donner et recevoir. Selon l’axe où on regarde, donner et recevoir peuvent s’interchanger jusqu’à faire disparaître cette distinction binaire qui perd de son sens. Les frontières entre acteurice et récepteurice disparaissent également permettant d’aller au-delà des oppositions actifve/passifve et à mon sens par extension de sujet/objet.

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LE FASCISME DU DESIR A L’ECOSEXUALITE COMME CONTRE-POUVOIR



le fascisme comme maladie de séparation
« Le désir ne manque de rien, il ne manque pas de son objet. C’est plutôt le sujet qui manque au désir, ou le désir qui manque de sujet fixe ; il n’y a de sujet fixe que par la répression. Le désir et son objet ne font qu’un, c’est la machine, en tant que machine de machine. Le désir est machine […] » Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux, 1980
Le désir, selon Deleuze et Guattari, n’est pas simplement une force intime ou individuelle, mais une machine sociale puissante, capable de faire éclater les structures établies. C’est précisément pour cette raison que les systèmes dominants, et en particulier le capitalisme, cherchent à le canaliser, à le contenir, voire à le détourner. La reproduction sociale au sens économique, genré et politique, repose alors sur une forme de répression du désir, mais aussi sur sa redirection vers des objets compatibles avec la hiérarchie, l’exploitation et l’asservissement.
Le pouvoir fonctionne donc en produisant un désir qui aime sa propre soumission, c’est-à-dire en façonnant des subjectivités qui intègrent les logiques de domination comme des aspirations intimes. Dans cette perspective, le fascisme ne doit pas être compris uniquement comme une forme de totalitarisme imposée d’en haut, mais comme une perversion du désir à l’échelle des masses. C’est un agencement affectif et social qui prend racine dans des micro-fascismes (sexistes, racistes, homophobes, phallocentriques) qui circulent dans le tissu même du quotidien. Ces micro-fascismes, produits par les dispositifs de pouvoir et de discours, rendent possible, et même désirable, le surgissement d’un macro-fascisme étatique.
« Il y a un désir de fascisme, un désir qui fait aimer le pouvoir, qui fait désirer sa propre soumission. » Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux, 1980
Dans cette lecture deleuzo-guattarienne, le fascisme est vu non seulement comme une structure politique autoritaire, mais aussi comme un schéma de production sociale du désir fondé sur :
La segmentation rigide : masculin/féminin, humain/non-humain, blanc/non-blanc, normal/anormal
La hiérarchisation : du haut vers le bas, de l'homme vers la nature, de l'hétéro vers le queer
La pureté : obsession de l’unité nationale, de l’homogénéité culturelle, de la propreté des corps et des esprits
La stérilisation : refus de la diversité, extinction des devenirs possibles
Le fascisme, dans cette lecture micropolitique, est une maladie du lien : il segmente les corps, les genres, les espèces et les territoires, au nom d’une norme identitaire stérilisante. Tout cela constitue une maladie de la séparation. Là où le fascisme sépare pour mieux soumettre, l’écosexualité relie pour libérer. Elle offre ainsi une voie possible de guérison sociale. Inspirée par les performances et écrits d’Annie Sprinkle et Beth Stephens, elle repose sur un changement radical de posture envers la nature : on ne la domine plus, on la désire, on fait l’amour avec elle. Le lien avec Deleuze et Guattari est très fort ici : ils appellent à déterritorialiser le désir, à le libérer de ses attachements familiaux, productifs et reproductifs. C’est exactement ce que propose l'écosexualité.

faire l’amour à la terre pour désobéir à l’ordre productif
“The Earth is our lover. We are madly, passionately in love, and we are promiscuous.”
Dans leur Ecosex Manifesto (2008), les artistes et activistes Annie Sprinkle et Beth Stephens posent les fondations de l’écosexualité comme une insurrection sensorielle. En déclarant leur promiscuité avec les rivières, les forêts, les champignons et les montagnes, elles refusent les régimes dominants de sexualité.
Faire l’amour avec des plantes, au sens écosexuel est une modalité de résistance active contre la reproductivité obligatoire et misogyne. En effet, en s’éprenant de formes de vie non humaines, les écosexuel-les refusent la vision productiviste du sexe comme instrument de reproduction humaine, cellule de base du capitalisme familial. Dans ce sens, les alliances interespèces deviennent des stratégies de réinvention des sexualités stériles au regard du patriarcat, mais fertiles en imagination queer.
Cette sexualité végétale déjoue les assignations. Elle trouble les frontières du corps, de l’espèce et du genre. Beth Stephens et Annie Sprinkle évoquent leur pratique comme une manière de “make love with the Earth, in the dirt, with our eyes, our mouths, our genitals, our whole beings” (Sprinkle & Stephens, Assuming the Ecosexual Position, 2021). Ce que Paul B. Preciado appelle une “technopolitique des corps mutants” trouve ici une expression à même le sol : celle d’un corps qui se laisse contaminer par le vivant, hors des normes de pureté et d’hygiène fascisantes. C’est un soin du maillage relationnel, car il réinscrit les corps dans des dynamiques plus vastes que celles de la reproduction sociale.

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LES PLANTES ET LEUR SEXUALITE COMME PEDAGOGIE QUEER



sexualités mutantes : apprendre à baiser comme les plantes
Nombre de plantes possèdent des sexualités mutantes, souvent incompréhensibles depuis un point de vue hétérosexuel. Certaines changent de sexe selon les conditions environnementales ou le moment de la journée. Par exemple, la Silène noctiflore présente des fleurs mâles et femelles qui s’ouvrent à des heures différentes, brisant la linéarité temporelle de la reproduction. D’autres sont hermaphrodites : le lys réunit organes mâles et femelles dans la même fleur. D’autres adoptent des cycles de monoécie et dioécie selon leur stade de développement, comme l’épinard ou le cannabis, qui peuvent présenter des variations de sexe en fonction du stress ou de l’environnement.
Certaines plantes se reproduisent aussi par clonage, sans intervention de la sexualité “génitale”, comme la fraise, qui envoie des stolons pour se dupliquer horizontalement. D’autres pratiquent des formes de reproduction apomictique, comme certaines espèces du pissenlit, qui génèrent des graines sans fécondation. Il existe même des plantes gynodioïques, androdioïques, ou encore trimonoïques, termes désignant des combinaisons complexes de genres floraux (voir Renner & Ricklefs, Nature, 1995). Ce que la botanique montre ici, c’est que les sexualités végétales sont déjà déviantes : elles échappent à la binarité et au modèle reproductif standardisé.
Comme l’écrit Donna Haraway dans Vivre avec le Trouble (2016), il ne s’agit pas de préserver la pureté des espèces ou des identités, mais de “faire parenté autrement” : tisser des liens queer et post-reproductifs. Ces alliances ne reposent plus sur la biologie ou la filiation, mais sur l’attention réciproque. Haraway appelle cela “des arrangements sympoïétiques” c’est-à-dire co-évolutifs. À travers cette approche, les écosexualités végétales deviennent des expériences transformatives : elles désapprennent les normes sexuelles dominantes (monogamie, reproduction, pénétration, binarité) au profit d’un érotisme fertile en réinventions. C’est une pratique de réensauvagement pornographique dans des systèmes de désir scellés par le capitalisme et l’hétéronormativité.

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INVENTER UNE NOUVELLE GRAMMAIRE DU MONDE



Comment écrire une fiction écosexuelle dans et contre une langue qui fossilise le vivant en objets plutôt qu’en processus et interconnexions ?

langue souterraine : écrire avec mardi forestier

Ma rencontre avec Mardi Forestier est d’abord une rencontre de langue. Sa langue transmute le réel. Elle le fait pulluler, dégouliner, elle y insuffle des bestiaires et des corps mutants, un lexique à la fois érudit et charnel. Lire Mardi Forestier, c’est expérimenter une écriture qui s’autorise à délirer les récits classiques comme on digère une substance psychotrope.
Ses textes refusent la forme bien dressée du français académique. Il y a dans ses phrases de la bâtardise assumée, du lexique souterrain, de la convocation d’un bestiaire oublié ; un mouvement vers une langue qui n’est plus une autorité. Chaque mot est un carrefour où se croisent le théâtre, la romance, la zoologie, l’érotisme, la SF, la mythologie. Mardi Forestier convoque des traditions comme la commedia dell’arte, la romance populaire, et le conte merveilleux non pour les réanimer, mais pour les hybrider. Son travail sur la langue est une manière d’embrasser le queer, non pas seulement comme sujet ou représentation, mais comme structure de texte.Il ne s’agit pas d’écrire flou, de faire de l’indéfini une pose esthétique, mais d’aiguiser les mots pour qu’ils provoquent une transformation lente du regard. Son écriture est méticuleuse : elle écrit la mutation, mais refuse l’exotisme. Elle écrit le sexe, mais refuse le spectaculaire. Elle écrit le queer, mais refuse de le fixer. C’est une éthique autant qu’une esthétique.
Cela me pousse, moi aussi, à chercher une langue qui fait bouger. Une langue qui n’étiquette pas, mais qui détisse. Une langue capable d’accueillir les relations plutôt que de contenir les identités dans des cases grammaticales étroites.
Il y a quelque chose de profondément subversif dans la façon dont Mardi Forestier fait dialoguer les formes d’écriture inclusive avec des esthétiques anciennes.. Comme si, dans les plis de notre passé linguistique, dans les lettres tombées, les déclinaisons effacées, se cachaient déjà des puissances de trouble, des formes oubliées de résistance. Dans ses choix, l’écriture inclusive n’est pas seulement un geste politique, mais une manière de rendre à la langue sa capacité à accueillir ce qui échappe. Je suis très inspiréx par cette volonté de désaxer la norme orthographique pour faire exister d’autres formes de narration, d’autres modes d’habiter le langage. Cela me donne envie d’’écrire non pas pour représenter, mais pour invoquer. D’écrire autrement pour exister autrement.

langue souterraine : écrire avec léa rivière

« On ne détruit pas la maison du maître avec ses outils » écrivait Audre Lorde.
Je me souviens du cours où vous nous avez parlé de la langue française par rapport à certaines langues indigènes. Que le français était composé de 70% de noms communs et de 30% de verbes tandis qu'à l’inverse, pour certaines langues indigènes, il y a deux tiers de verbes et un tiers de noms communs. Ce qui nous empêche de penser le monde comme un tissus de relation.
Inspiréx par Rivière, j’ai appliqué trois principes de contre-grammaire. D’abord, détricoter les identités : les personnages n’ont pas de noms propres, mais des pronoms variables (iel, ol, ael) qui fluctuent selon leurs symbioses. Ensuite, habiter les interstices : les descriptions se concentrent sur ce qui relie. Enfin, écrire par contagion : les dialogues ne résolvent jamais les conflits, ils les complexifient de la même manière que Léa Rivière utilise la technologie de la conversation pour expliciter les vérités contradictoires et les interdépendances.
Pourtant, cette alchimie syntaxique n’est pas sans pièges. Une langue trop déconstruite risque de verser dans l’illisible, excluant celleux qu’elle prétend libérer. Les néologismes mignons (polliniser, mycéliumiser) pourraient être récupérés par le green washing. Et surtout, comme le rappelle Rivière, réinventer n’est pas effacer ; c’est greffer sur les ruines. Alors j’ai laissé des des points-virgules qui remplacent les points finaux, signe que toute phrase est un devenir et créé les mots-valises dont j’avais besoin.

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CONCLUSION



Désirer contre les ruines
Ce voyage à travers les chairs et les théories m’a appris une chose : le désir n’est pas un refuge, mais un chantier. Là où le réalisme capitaliste verrouille les imaginaires, l’écosexualité ouvre des brèches non pas en proposant des solutions, mais en cultivant des manières d’être au trouble.
Biotechnotopia, ce livre-rituel, n’est ni un manifeste ni une utopie. C’est une pratique de dérive sensible, un laboratoire où le sexe devient sève syntaxique, où les plantes enseignent l’art des métamorphoses, où les corps mutent en paysages.

BIBLIOGRAPHIE



Livres


Barad, Karen. Frankenstein, l’électrode et la grenouille. (Titre souvent cité : Meeting the Universe Halfway pour la version anglophone, 2007).
Fisher, Mark. Le Réalisme Capitaliste (Capitalist Realism). 2009.
Forestier, Mardi. Harde. Éditions Trouble, 2024.
Forestier, Mardi. Les Lichennes. ESAAA Éditions, 2023.
Guattari, Félix & Deleuze, Gilles. Mille Plateaux. Minuit, 1980.
Guattari, Félix & Deleuze, Gilles. L’Anti‑Œdipe. Minuit, 1972.
Haraway, Donna J. Vivre avec le Trouble (Staying with the Trouble). Duke University Press, 2016.
Bahaffou, Myriam. Éropolitique.
Rivière, Léa. L’odeur des pierres mouillées.Stephens, Elizabeth & Sprinkle, Annie. The Ecosexual Manifesto. 2011.

Articles et chapitres


Fathisalout Bollon, Motahareh & Damous, Licia Bosco. « La machine désirante face à la montée du néo‑fascisme : une étude de la crise de la démocratie à la lumière de la pensée deleuzienne ».
Renner, Susanne S. & Ricklefs, Robert E. « Dioecy and its Correlates in the Flowering Plants ». American Journal of Botany, 1995.

Podcasts


Gouinement Lundi, « Avec la langue #3 : Deuiller avec Léa Rivière ».

Interviews et contributions en ligne


Interview de Mardi Forestier dans Manifesto XXI.
Interview de Mardi Forestier dans la newsletter de Censored.
UTSOPI – site et archives des rencontres (Bruxelles).